Le site de Ron Day

Cet article a été publié en mars 2000 par The journal of the American Society for Information Science (JASIS). Le copyright est réservé à JASIS.

Tropes, histoire et éthique dans le discours professionnel et la science de l'information(1)

Ronald E. Day (Professeur-assistant, School of Library and Information Studies, Université de l'Oklahoma.)

Résumé : dans cet article, l'auteur avance que les discours professionnels ont tendance à s'aligner sur les forces sociales et idéologiques dominantes par le moyen du langage. Au cours du vingtième siècle, l'utilisation du trope de "science" et de termes proches dans la théorie professionnelle a été un procédé linguistique courant des professions pour se promouvoir socialement. Cet article examine comment les discours professionnels, en particulier ceux qui ont fondé la théorie et la pratique de la science de l'information et des bibliothèques, se sont établis dans la culture et se sont projetés dans l'histoire - passée et future - en s'appropriant certains tropes dominants dans le langage d'une culture. Cet article suggère que des choix éthiques et politiques surgissent de la rhétorique et de la pratique du discours professionnel, et que ces choix ne peuvent pas être confinés au royaume des polémiques professionnelles.

I. Le nom des professions

Auto-légitimation professionnelle

Les textes fondateurs des professions se doivent de construire ou de présenter une base pour la théorie et la pratique, base dont une partie s'appuie sur la culture générale à des fins d'auto-légitimation et d'auto-avancement. Les raisons de ce mimétisme social ou culturel sont facilement compréhensibles : les pratiques et discours professionnels prennent place dans des espaces culturels plus vastes et doivent donc justifier leur existence, leurs techniques et leurs technologies en termes d'intérêts sociaux plus vastes. Cela est particulièrement important quand la nécessité sociale de la profession est mise en cause, quand la profession est nouvelle, et aussi quand la profession est placée à des tournants sociaux ou historiques qui rendent sa légitimité douteuse ou qui la mettent en crise.

Dans ce dernier cas, le discours professionnel n'en appelle pas seulement à sa propre tradition, mais aussi aux forces sociales dominantes du présent et du proche avenir. Il tend à se donner une importante signification sociale et à projeter sur la société une vision très généralisée des technologies et techniques propres à la profession. Par exemple, on pourrait dire que les discussions sur la déontologie dans le milieu juridique et même dans les représentations d'avocats par les médias populaires sont plus significatives du besoin continuel qu'a la loi de se légitimer elle-même comme clé de voûte de l'ordre civique que comme véritables tentatives de s'attaquer à la corruption ou comme descriptions rigoureuses de son fonctionnement. On pourrait dire qu'ici l'auto-légitimation professionnelle ne sert pas seulement un objectif strictement "professionnel", mais aussi un objectif social plus général. Et à l'opposé, on pourrait dire que de tels actes d'auto-légitimation professionnelle sont presque absents dans le cas de la profession d'ingénieur, à part dans certains musées spécialisés dans l'ingénierie et la technologie industrielle et à des époques de dépression ou de croissance économique accentuées(2)(3). A bien des égards, "l'ingénierie" est un paradigme si profondément implanté dans toutes les activités de "management" professionnel qu'il ne nécessite pas une légitimation plus poussée.

Les professions obéissent presque par instinct à l'impératif d'auto-légitimation. Elles tendent à être "positives", à la fois quant à leur propre autocritique et quant à leur orientation méthodologique, grâce à une méthode positive induisant un ton critique positif qui limite la critique à des questions comprises à l'intérieur des paramètres fondateurs acceptés par la profession. Il est vrai que l'autocritique des fondations n'est pas de mise dans la théorie, la méthode, ou la pratique des professions. Dans les professions, l'autocritique tend à l'approfondissement des principes fondateurs, et elle produit plutôt des discours correctifs que des discours radicalement critiques. Comme les méthodes professionnelles, les éthiques professionnelles, aussi, se font d'injonction ou de défense, visant à faire coïncider le comportement du praticien avec les codes pratiques de sa profession, plutôt qu'à "déconstruire" la théorie et le discours fondateur par des moyens critiques historiques, philosophiques ou rhétoriques.

Indubitablement, la documentation européenne est née d'une surcharge d'information imprimée au début du siècle. Mais ce n'est que la moitié de l'histoire. La science de l'information et la culture de l'information - depuis Melvil Dewey jusqu'à Otlet et à la cybernétique pendant la guerre froide, ainsi qu'aux récentes visions d'utopies virtuelles (par exemple les notions de "virtuel" et d' "intelligence collective"(4) de Pierre Lévy) a toujours vu dans l'information plus que des documents. L'école d'administration des bibliothèques de Dewey à Columbia, par exemple, n'avait pas seulement pour but la gestion des documents, mais aussi la gestion du travail en vue de communiquer effectivement le savoir. Les professions, qui sont des institutions utilitaristes, ont souvent historiquement lié leur rhétorique aux institutions, langages, et projets sociaux dominants par les tropes "du management", de "l'efficacité", "des systèmes", et, par-dessus tout, de "la science"(5). Les professions tentent de se nommer dans le langage des corps institutionnels et des contextes sociaux privilégiés. Et elles tentent d'être les premières à nommer ce qu'elles estiment être des évènements ayant une importance sociale, ces actes de baptême permettant souvent un auto-avancement social.

"Science" et "Science de l'Information"

Dans un sens épistémologique au moins, depuis Dewey, la science de l'information s'est parfois positionnée comme une reine cachée dans les coulisses. C'est vrai, que nous considérions la science de l'information comme le travail d'organisation du savoir (un travail que le grand théoricien de la classification W.C. Berwick Sayers voyait comme l'écho de celui de Dieu (Sayers, 1926, p.63)), ou, comme dans l'œuvre de la documentaliste Suzanne Briet, "comme le chien du chasseur" conduisant son maître ("la science") aux documents textuels pour le progrès du savoir (6). Comme dans le cas de la documentation européenne, la science de l'information s'est quelquefois comprise comme le moteur de la science, voire même comme la science permettant à la science de naître.

Historiquement, et rhétoriquement aussi, la relation entre la science de l'information et la science peut être caractérisée comme une synecdoque (7). Cette relation de synecdoque est basée sur des conceptions structuralistes du "nommer" que nous retrouvons dans la science de l'information et des bibliothèques comme indexation. La documentaliste française Suzanne Briet montra dans l'après guerre une acuité remarquable (ainsi que son sens politique) quand elle affirma dans son manifeste Qu'est-ce que la documentation ? que la documentation était caractérisée par des relations d'indexation. Ce qui est significatif dans l'ouvrage de Briet c'est que l'indexation ne caractérise pas seulement la pratique documentaire pour organiser des documents, mais aussi la relation de la documentation à la science comme phénomène culturel et social (8).

"La science" est bien sûr par excellence le trope de légitimation de la modernité. Il est difficile de ne pas voir que toutes les professions du vingtième siècle se veulent "scientifiques". Dans un "univers du savoir" ou de "la science" (selon la manière dont Wilhelm von Humboldt comprenait "le savoir" quand il fonda l'université moderne comme "scientifique" (Wissenschaftlich)), les professions essayent d'être nommées - c'est à dire d'être reconnues dans le champ du savoir, des organisations et des pratiques sociales "scientifiques". Ce que "scientifique" veut dire change de toutes manières au cours de l'histoire. Comme Briet nous le répète à de nombreuses reprises dans Qu'est-ce que la documentation ? et ailleurs, " la documentation est une technique de notre temps" - c'est à dire une technique "scientifique" pour une période culturelle "scientifique". "La science" est un concept culturel et historique que les professions essayent de s'approprier et d'habiter.

Comme Slavoj Zizek le fait remarquer à propos des discours contemporains sur "le virtuel", les discours courants sur l'information ne visent pas seulement le présent, mais aussi un futur espéré (Zizek, 1997). Les discours sur "l'ère de l'information", répétés plusieurs fois au cours du vingtième siècle dans des versions à peine différentes, sont souvent symptomatiques de la structure sociale dont ils sont issus et des tentatives culturelles de dépasser cette structure.

De cette manière, la documentation se voit elle-même comme un symptôme de la science et comme une tentative de devancer ou de parfaire la science. Comme chez Briet, la documentation est à la fois au service de la science et en avance sur elle "comme le chien du chasseur". En cela, la relation de synecdoque entre la science de l'information et "la science"(9) doit être reconnue comme active dans l'histoire. La science de l'information sert et conduit "la science" en créant ses conditions sociales. Nous verrons plus tard un exemple très concret de cet ancrage historique dans la discussion que consacre Briet au rôle de la documentation dans le "développement" du tiers-monde.

"Science" et pouvoir social

L'alliance entre des discours professionnels et des forces culturelles et idéologiques dominantes souvent conservatrices n'est pas le résultat de relations professionnelles accidentelles ou d'alliances accidentelles entre classes. Le thème du progrès historique qui caractérise en grande partie la rhétorique des professions sert à protéger la théorie et la pratique professionnelle des critiques sur leurs fondations qui pourraient compromettre leur promotion en tant que sciences. L'opportunité historique des professions repose alors en partie sur des thèmes et des genèses rationalistes. La relation circulaire que les professions mettent en place entre leurs discours fondateurs et des discours politiques, sociaux et historiques rationalistes permet de bâtir un corps de sujets "pratiques" qui en retour évite à la théorie et à la pratique professionnelle de mettre trop radicalement en cause les discours politiques et sociaux établis. Les professions sont "pratiques", et sont de fait complètement professionnelles, quand elles se développent dans des discours et des institutions bien reconnues, voire même jusqu'à un certain point socialement privilégiées. Et les professions deviennent non professionnelles, s'éloignant de la "pratique" pour aller vers la "théorie académique" "pure", quand elles tentent d'intervenir dans les discours rationalistes qui caractérisent les systèmes sociaux et politiques établis ainsi que leur propre domaine.

Ces tendances défensives font qu'on ne peut pas faire la critique des problèmes théoriques et pratiques d'un domaine professionnel en se limitant à dans ce domaine. Les études critiques des professions doivent englober un contexte social et culturel plus vaste pour comprendre celles-ci comme des produits d'autres forces sociales. Et parce que le terme de "science" dans le discours professionnel est souvent utilisé d'une manière équivoque et transitoire, ce terme ne peut pas non plus être utilisé comme un critère sûr pour qualifier un domaine professionnel.

Pour la modernité, au moins, le terme de "science" dans l'arène professionnelle apparaît comme l'ensemble des forces, organisations et structures sociales que la profession sert et dont le pouvoir est nécessaire pour s'affirmer et se projeter dans le futur. Dans la mesure où ces forces, ces organisations et ces structures plus larges changent, le domaine professionnel réagit, et cela est visible, par exemple, dans sa rhétorique fondatrice. C'est pourquoi le terme de "science" demeure d'une importance centrale dans les textes fondateurs des documentalistes européens Paul Otlet et Suzanne Briet, quand bien même la signification culturelle de "science" a changé au cours des dix-sept années qui séparent leurs œuvres respectives, Le Traité de documentation (1934) et Qu'est-ce que la documentation ? (1951). Pour ces deux avocats de la documentation, "la science" est l'horizon du savoir pratique et théorique et elle est aussi la garante de ce qui est admis comme réel dans la modernité, même si la signification de "science" dans chacun de ces textes reflète les différentes connotations culturelles attachées au terme entre l'avant et l'après-guerre. Pour Otlet, le terme de "science" était positiviste, avec le sens de représentations "factuelles". (Et puisque ces "faits" n'étaient connus qu'à travers leurs représentations, ils étaient des représentations réellement "universellement" signifiantes - ce qui veut dire que le savoir était une présentation esthétique normative.) Pour Briet, le terme de "science" signifiait la production de "faits" par des organisations et des cultures scientifiques.

Le terme de science dans les discours professionnels n'est pas neutre. Il ne se réfère pas simplement à des mises en œuvre exactes, à des techniques particulières, au formalisme dans les méthodes. Pour la modernité, le fait d'être "scientifique" est un signe social et historique important du rôle et du statut social d'une profession. Comme terme clé de la modernité, "la science" est un signe distinctif des options futures comme des possibilités qui seront laissées de côté parce que non "scientifiques" ou non "pratiques".

Dans un article précédent, je me suis intéressé à la construction de l'espace social dans les travaux de Paul Otlet (Day, 1997). J'avais alors avancé que la conception "scientifique" de la documentation d'Otlet selon "la science" de son époque menait à une vision du savoir comme un réseau évolutif de faits connus et à la vision sociale d'une "communauté globale" de connaisseurs. Dans la suite de cet article, je voudrais examiner quelques-unes des pratiques professionnelles politiques et historiques que Suzanne Briet voudrait habiller du nom de "science". Le travail de Briet n'est pas seulement important parce qu'il constitue une spéculation théorique sur le rôle de l'indexation dans la documentation en particulier et dans le professionnalisme en général, mais aussi parce qu'il renseigne sur le contexte culturel qui produit ce rôle et quelques-unes des pratiques politiques et des implications sociales qui en résultent. Son travail nous est donc utile, théoriquement et comme exemple historique, pour examiner nos propres théories et pratiques professionnelles à l'âge de la rhétorique du "virtuel"(10), alors que beaucoup des impératifs économiques et politiques sont les mêmes qu'à l'époque et que des tropes à propos du "global", de "la démocratie", et du développement des critères de "communicabilité" continuent à jouer un rôle important.

 

 

II. "La science" et la culture de l'information après la seconde guerre mondiale

Au cours de la seconde guerre mondiale et après elle, et particulièrement dans les pays alliés, l'épistémologie ainsi que la signification sociale et les positionnements institutionnels de la science subirent un changement profond. Pour le dire simplement, une conception non-industrialisée de la science devint inconcevable alors qu'universités, industrie et gouvernement formaient ce que Gordon Adams a appelé "le triangle de fer" (cité par Edwards, 1996, p.47). Les communications et la technologie de l'information furent absorbées par ce triangle de fer, et sous la métaphysique de la théorie des systèmes, elles furent de plus en plus dirigées vers la création de réseaux entre humains, entre machines, entre humains et machines, dans des buts de domination économique, culturelle et militaire. L'implantation, sur le corps social et individuel, d'une sémiotique du contrôle rationnel-technologique, dans le but supposé de protéger ce même corps social et individuel, devint la marque de l'état de guerre totale dans la guerre froide. (Voir, de Donna J. Haraway, " The High cost of information in post-World War II evolutionary biology: ergonomics, semiotics, and the sociobiology of communication systems," [Le coût élevé de l'information dans la biologie évolutionniste de l'après seconde guerre mondiale : ergonomie, sémiotique, et sociobiologie des systèmes de communication]* et Paul N. Edwards, The Closed world : computers and the politics of discourse in cold war America. [Le monde fermé : ordinateurs et politiques du discours dans l'Amérique de la guerre froide. *])

En conséquence, ainsi que nous le mentionnions plus tôt, la documentation, considérée comme une science, vint au jour après guerre dans les travaux de Suzanne Briet comme une nouvelle espèce de "technique culturelle pour notre temps". Le livre de Briet, Qu'est-ce que la documentation ? , et ses travaux moins importants ne mettent plus l'accent sur la découverte, la collecte et la transmission publique du savoir grâce à la documentation, mais ils insistent au lieu de cela sur la production et le lien du savoir aux industries du savoir. Servir le secteur industriel c'est servir la culture en général parce qu'à "notre époque" [pour Briet, "scientifique"], développement culturel et industriel sont indissociables. La documentation, pour Briet, est une activité professionnalisée comprise dans la science et conduisant celle-ci. Le terme de "science" ne connote plus pour Briet un savoir universel qui devrait être accessible à tous (comme pour Otlet), mais un discours institutionnel tenu par de puissantes forces sociales. Pendant les années de guerre, la vérité elle-même avait été professionnalisée et la culture avait été chapeautée par les autorités "scientifiques" et les techniques industrielles dans le processus de recherche et développement. Pour Briet, c'est à travers des agences comme l'UNESCO que le savoir avance dans les pays sous-développés nouvellement christianisés (en fait, les anciennes colonies) par l'éducation et la communication de la science à des spécialistes. "Le progrès" de l'avant guerre laisse la place au "développement" de l'après guerre et les documentalistes avancent comme "missionnaires d'un type nouveau…dans le sillage de ce navire-explorateur battant pavillon des Nations Unies."(Briet, 1951, p. 41).

Bien sûr, toute activité missionnaire rencontre des problèmes de différence culturelle, y compris ces activités missionnaires dont le but est de faire avancer la science en permettant à celle-ci de se développer de par le monde. La normalisation bibliographique, technologique, technique, du travail et de l'usager étaient des questions centrales pour Otlet également, comme pour Dewey avant lui, et cela faisait partie de la mission d'Otlet d'écrire des livres pour préparer professionnels et usagers à la nouvelle ère de l'information et de la normalisation totale, à la mise en réseau systématique, et au management efficace. La question de la normalisation devient encore plus cruciale pour Briet, car l'idéal ne peut plus être représenté comme une seule Cité Mondiale, mais doit être international. Nous pourrions dire crûment mais justement qu'alors que la notion de "mondial" au dix-neuvième siècle signifiait ramener le monde à l'Europe sous la forme de divers médiums, personnes, ou objets représentatifs, "l'internationalisme" de l'après guerre consiste à amener le soi-disant "premier monde" au soi-disant "tiers-monde" et à "élever" ce dernier au niveau de développement industriel du premier.

Et à cette fin, des normes d'industrialisation comme d'alphabétisation étaient nécessaires. Pour Briet, il ne suffisait pas que les techniques et leurs langages soient enseignées en étant mis au programme des différents établissements, le problème fondamental était celui de la langue universelle. Ce problème de normalisation linguistique est important car révélateur de l'ampleur de la normalisation internationale que la documentation visait pour répandre "la science" à travers le monde industriel (11). A l'orée du vingtième siècle, l'Espéranto, langue artificielle, semblait être une solution.

Mais Briet écrit dans Qu'est-ce que la documentation ? qu'après l'échec de l'Espéranto on ne peut plus croire en une langue universelle. Heureusement, Briet écrit aussi que "les langues majoritaires, c'est à dire l'anglais, le français et l'espagnol tendent à se répandre et à devenir les truchements indispensables du civilisé" (Briet, 1951, p.43). L'allemand, écrit Briet, "a reculé, "le russe n'est pas encore au premier plan", et "les orientaux parlent toujours leur langue, plus une autre langue"(Briet, 1951, p.43). Les remarques de Briet suggèrent que la documentation devrait établir ses standards linguistiques au sein d'un conseil de sécurité des langues représentant les pays capitalistes dominants dans l'Europe de l'après guerre.

Le progrès de la science et de l'information (toujours lié chez Briet au développement des industries capitalistes) a besoin de la normalisation de l'éducation et du langage. Ceci implique un certain nombre d'étapes du développement pour enraciner la science dans les pays du tiers-monde. La "normalisation" est progressive, d'abord concernant l'éducation et la langue, puis la documentation et la communication, pour enfin atteindre l'industrie, afin que les pays du tiers-monde rejoignent le niveau "scientifique" des pays développés. Les normes culturelles et les langues des pays capitalistes occidentaux assurent les fondations et préparent le terrain pour les techniques documentaires, et celles-ci permettent à leur tour à l'industrie de s'épanouir. La documentation est donc un élément du réajustement rationnel et de la réorganisation des cultures ethniques ou nationales qui marquent le "progrès" des industries capitalistes de l'après guerre, et un élément de la lutte contre les autres formes d'organisation -traditionnelle ou communiste - qui le menacent (12). Pour Briet, la normalisation est plus qu'un trope majeur du langage de la technologie. Comprise dans la culture "scientifique", à l'échelle "mondiale", la normalisation participe à la production de la culture mondiale. La documentation, qui est toujours en première ligne quand il s'agit de normalisation et de communication, n'est plus simplement un véhicule de la science, mais un symbole exemplaire de la science et de l'ère scientifique moderne.

Pour Briet, la normalisation du langage prépare la normalisation documentaire, qui prépare la normalisation industrielle, tout ceci entraînant plus largement la réorganisation "scientifique" des cultures "sous-développées" pour amener ces dernières au niveau de l'ère "mondiale" de la science, de l'information et de la communication. Il faut reconnaître que, si l'on suit la logique de Briet dans Qu'est-ce que la documentation ?, le monde soit disant objectif et désintéressé du "scientifique" a un flair certain pour les vainqueurs et pour ceux qui vont payer les dividendes économiques sous forme de fonds pour la recherche et de statut social privilégié. "La science" est pour Briet un discours institutionnel et culturel que la documentation sert et mène à la fois. "La science" caractérise la culture et la société moderniste et industrialiste avec des termes comme "dynamisme", "normes", "précision" et "efficacité" - des termes abondamment utilisés dans les travaux de Briet pour caractériser "la science", la culture moderne ou la documentation. Dans les travaux de Briet, ces qualités "scientifiques" dominantes de la modernité industrielle sont des tropes pour la culture professionnelle de la documentation et en retour, cette culture professionnelle peut prétendre être celle de la société toute entière. La documentation, en tant que leader culturel, se voit donc assigner la tâche de diffuser, en plus de ses propres contenus, une idéologie - celle de "la science" en général et celle de l'industrie capitaliste mondiale en particulier.

 

III. Théorie, histoire et pratique en science de l'information

L'éthique professionnelle : entre "le présent" et "le futur"

Comme Jacques Derrida le dit dans sa conférence de Cornell en 1983, "The Principle of Reason : The University in the Eyes of its Pupils." [Le principe de raison : l'université aux yeux de ses étudiants]* de nouvelles questions naissent -ou devraient naître- pour une profession ou pour son école dans l'écart critique entre ce qu'elle est et ce qu'elle devient. Les professions ont généralement adopté une attitude non-critique vis à vis de leurs propres fondations et elles ont souvent adopté d'une manière non-critique la rhétorique des forces sociales, culturelles et politiques dominantes pour bâtir et défendre leur pouvoir social. Les professions se sont souvent raccrochées à la rhétorique de "la science" et "du progrès" sans se soucier trop de la destination de l'attelage ainsi formé. Et à des époques de crise des conceptions sociales dominantes ces alliances peuvent sembler quelque peu absurdes, produisant des déclarations de plus en plus utopistes que la société contredit manifestement (13).

La réponse au problème du positionnement social surdéterminé des discours professionnels ne peut pas non plus être toujours la spécialisation dans une technique. Un tel repli sur une conception plus "scientifique" de l'information, par exemple, est particulièrement difficile étant donné les vastes connotations sociales de "l'information" (et, comme je l'ai suggéré, les caractéristiques profondément rhétoriques de "la science" dans les discours professionnels), étant donné aussi la longue et riche histoire de la métaphore qui hante la théorie de l'information depuis la seconde guerre mondiale (14). Toute distinction un peu stricte entre une conception "scientifique" de "l'information" et une conception culturelle un peu plus générale de celle-ci est rendue problématique par les fonctions historiques, culturelles et hautement littéraires du terme "science" dans le discours professionnel et par l'histoire culturelle du terme "information" dans la modernité.

Les professions s'approprient les tropes et les thèmes culturels dominants concernant le futur pour la même raison qu'elles évitent généralement de se retourner d'une manière critique sur leurs fondations : elles cherchent à maintenir leur influence sociale dans le temps à travers les aléas de l'histoire. Au lieu de voir dans la distance entre le présent et le futur des opportunités pour une réflexion historique et une critique philosophique qui pourraient être à l'origine d'autres modèles, même problématiques, pour le futur, (et pas seulement le futur de la profession, mais aussi le futur de sociétés et de cultures diverses), les discours professionnels tendent à abandonner les critiques sur les fondations qui impliquent la culture pour des discours circonscrits à leur domaine et pour la théorie des disciplines universitaires "pures" ou "littéraires". Le problème étant que, de plus en plus, les sciences humaines et ces disciplines universitaires "pures" ou "littéraires" sont politiquement et économiquement pressées de devenir "professionnelles" elles aussi. Sous de telles pressions les spécialités littéraires deviennent des marchés de biens esthétiques et les disciplines universitaires des lieux d'entraînement aux techniques et aux technologies.

Ce qui apparaissait d'abord comme une particularité théorique et méthodologique du discours professionnel apparaît donc maintenant comme une structure sociale et institutionnelle dominante dont les discours professionnels n'étaient qu'un symptôme précoce dans notre siècle. Le terme "science" dans les discours professionnels joue de nombreux rôles, un des plus important étant de donner une légitimation sociale aux membres d'une profession et à cette profession toute entière. La tendance à réduire les méthodes professionnelles de recherche à leurs aspects positivistes et quantitatifs et à adopter des modèles fonctionnalistes et opérationnalistes pour la recherche comme pour toute la pratique professionnelle peut être vue comme un symptôme de l'alliance entre le professionnalisme et les tendances dominantes de la modernité industrielle, plutôt que comme une tentative de créer une distance critique. Une telle alliance est particulièrement désagréable à l'intérieur de l'université, dont les membres ont toujours bénéficié d'une certaine distance culturelle et temporelle (15) par rapport aux principales forces de production, car elle implique que l'évolution de l'université doit la rendre de moins en moins critique et de plus en plus complice de ces mêmes forces.

On pourrait ajouter que dans une tradition critique l'impératif éthique minimum des professions, tout du moins des professionnels de l'information (surtout ceux qui s'occupent de théorie) devrait être de découvrir des conceptions d'un futur différent de celui qu'on nous assure devoir advenir à notre "ère de l'information". Comme nous l'avons vu, le travail de Briet s'engage dans une forme d'historicisme non-critique qui incorpore dans sa propre théorisation la perpétuation des thèmes et des modes historiques de production de la modernité industrielle en général, et du capitalisme mondial en particulier. A partir de cet exemple historique, il est difficile de ne pas voir en la rhétorique contemporaine sur "l'ère de l'information" la continuation d'un type d'historicisme similaire où les déclarations sur la prolifération et l'omniprésence nécessaire des technologies de l'information et de la communication à l'échelle mondiale prolongent la notion de la documentation comme d'"une technique de notre temps" jusqu'à une période tardive du capitalisme industriel -ou post-industriel mondial.

Une éthique critique est une éthique politiquement engagée car elle essaye d'intervenir sur des discours et des prédictions convenus concernant la nature de la société, de la culture et de la politique. Quant à constituer un discours professionnel, une éthique critique requiert la mise en cause critique des méthodes et des fondations mêmes du discours de la profession, et ceci d'autant plus que ces fondations et ces méthodes ont été produites et évaluées d'une manière conservatrice par la tradition. En conséquence, au moins en tant qu'une telle éthique implique une historiographie critique, il faut que l'examen de l'histoire d'une profession outrepasse les limites définies par les fondations et les fondateurs autoproclamés. Une éthique critique et politique s'essaye à mettre en cause les projections et les auto-narrations historiques qu'une profession articule en tant que ces projections et ces auto-narrations sont fondées sur des discours surdéterminés concernant passé, présent et futur et en tant que ces narrations sont les produits d'alliances sociales non-examinées. Entre un certain passé et un certain futur, la remise en cause critique tente d'identifier les problématiques du présent - un présent incertain qui est la vraie nature de tous les passés et de tous les futurs.

Notes :

1.      Une version précédente de cet article a été présentée à un séminaire de l'Institut National des Techniques de la Documentation (INTD) au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), Paris, le 4 décembre 1998. Je voudrais remercier le professeur Yves Le Coadic d'avoir accueilli cette conférence et le professeur Michael Buckland pour sa conférence à propos du vocabulaire qui précédait la mienne. Je tiens également à remercier Laurent Martinet pour sa traduction.

 

2.      Les expositions industrielles internationales du 19ème siècle et les expositions universelles du 20ème siècle sont d'intéressants exemples d'utilisation de la culture populaire à des fins d'auto-légitimation et d'auto-promotion professionnelle ou corporative. Pour une revue historique critique des musées et des expositions industrielles, voir chez Brigitte Schroeder-Gudehus (éd.), La société industrielle et ses musées.

 

3.      Les portraits héroïques d'ingénieurs dans le réalisme soviétique et leurs portraits dans ce qu'on pourrait appeler le "réalisme capitaliste" des années 30 aux Etats-Unis sont des exemples intéressants de la promotion sociale de la technique à une époque d'industrialisation rapide ou au contraire à une période de dépression économique (respectivement).

 

4.      Pierre Lévy, Qu'est-ce que le virtuel ? ; L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace.

 

5.      Grâce à ces tropes, des professions peuvent naître socialement, se lier les unes aux autres, puis être absorbées par de nouvelles disciplines, faisant souvent d'étranges couples. On pourrait, par exemple, suivre les tropes de "systèmes" et de "flux" quand ils structurent la première psychanalyse freudienne basée sur un modèle électrochimique, mais sont rejetés plus tard par Freud pour être repris par la psychiatrie anti-psychanalytique de l'après-guerre (influencée par la théorie de l'information et la cybernétique) qui s'en sert pour construire un modèle opérationnaliste de l'utilisation des psychotropes dans le traitement psychiatrique. (Voir les nouveaux travaux du sociologue Jackie Orr sur l'alliance entre la théorie de l'information et la psychiatrie dans l'après guerre, en particulier en relation avec le phénomène de "panique".)

 

6.      "Elle doit être à la pointe de la recherche et même dans une certaine mesure -comme le chien du chasseur- tout à fait en avant, guidé, guidant." Suzanne Briet, "Bibliothécaires et documentalistes", Revue de la documentation XXI (1954), p.43.

 

7.      Les synecdoques (ou métonymies) sont des figures de style qui substituent la partie au tout, le tout à la partie, l'espèce et le genre, le genre et l'espèce, etc.…La relation à laquelle il est fait allusion dans cet article est celle de substitution entre la science de l'information et la science dans certains textes fondateurs de la science de l'information et des bibliothèques (définis largement) tandis qu'y sont étudiées les ramifications professionnelles, sociales historiques et politiques de cette substitution.

 

8.      Briet commence sa démonstration par l'analyse de l'indexation d'une nouvelle espèce d'antilope dans les systèmes documentaires et organisationnels. L'indexation de l'antilope prend place à l'intérieur de tels systèmes et elle est aussi en tant que telle révélatrice des relations diverses entre ces différents systèmes qui agissent à l'intérieur de "la science" comme structure sociale. (Bien que le terme "scientifique" soit aussi utilisé par Briet pour caractériser la culture occidentale dans son ensemble, en particulier après la seconde guerre mondiale.) Curieusement, plus de 40 ans après, le sociologue de la science Bruno Latour avance un argument très similaire en se servant d'une stratégie rhétorique presque identique à celle de Briet au début de son livre dans son article " Ces réseaux que la raison ignore : laboratoires, bibliothèques, collections" (bien que dans d'autres travaux, Latour insiste plus sur "les relations pragmatiques plutôt que structurelles entre institutions et pratiques scientifiques"). A propos de l'antilope de Briet, voir, de Michael Buckland, " What is a 'document' ? "[Qu'est ce qu'un document ?]*.

 

9.      Ici, comme dans tout cet article, je situe la documentation européenne dans l'histoire de la science de l'information en général. Ce parti pris s'accorde avec les études historiques récentes sur la documentation européenne dans le champ de la science de l'information.

 

10.  Pour une critique de la rhétorique du virtuel dans l'œuvre du théoricien français du multimédia, Pierre Lévy, voir mon article sur deux de ses récents livres, "The virtual game : objects, groups, and games in the works of Pierre Lévy" [Le jeu virtuel : objets, groupes et jeux dans les travaux de Pierre Lévy]* dans The Information Society (à paraître, 1999).

 

11.  Alors que la préoccupation de Briet était l'adoption mondiale de langues privilégiées à certaines fins économiques et politiques, cette préoccupation doit aussi être comprise en regard d'une préoccupation plus vaste à propos de la normalisation du langage au niveau rhétorique, une préoccupation qui a rendu possible la science et la production industrielle depuis au moins le 18ème et le début du 19ème siècle (respectivement). Pour une réflexion sur l'introduction de formes rhétoriques normalisées dans la communication professionnelle et ses conséquences sociales, voir de Jo Anne Yates, Control through Communication [Le contrôle par la communication]*. Michel Foucault s'est intéressé à la construction de la science selon la classification, les systèmes et la rhétorique sous -jacente aux discours épistémologiques dans Les mots et les choses : une archéologie des sciences humaines. La question de la normalisation rhétorique concerne aussi les formes esthétiques comme on peut le voir aujourd'hui par exemple dans le phénomène de "convergence" du multimédia. Il est nécessaire de comprendre que ces "convergences" du multimédia concernent la production de certains types de formes esthétiques, c'est à dire de formes de représentation normatives, voire même des simulations "réalistes". Cette "convergence" est donc en fait un terme qui fait plus référence aux buts rhétoriques et esthétiques de la production technologique qu'à un assemblage spécifique d'éléments techniques réels (c'est à dire que cette "convergence" est largement symptomatique d'une production culturelle, sociale et politique). On manque par ailleurs cruellement d'analyses critiques sociales de "la convergence" contemporaine du multimédia, à part peut-être dans certaines pratiques artistiques qui posent en problématique première la relation entre la forme esthétique et l'espace social. Il manque souvent une analyse culturelle, sociale et politique adéquate aux critiques de la convergence du multimédia par les "nouveaux médias" car celles-ci ne parviennent pas à faire la différence entre convergence médiatique et convergence technologique.

 

12.  L'essai de Félix Guattari et d'Eric Alliez "Systèmes, structures et processus capitalistiques." reste exceptionnel dans sa thèse selon laquelle les systèmes capitalistes se définissent essentiellement par l'implantation d'un contrôle sémiotique dans le corps social et individuel, incluant dans ces corps certaines conceptions de la valeur et du désir. Une telle analyse a bien sûr de profondes implications pour des études de la relation entre d'une part l'information et les systèmes de communication, et d'autre part les formes sociales et psychologiques pendant la guerre froide et dans le monde postindustriel du soi-disant nouvel ordre mondial. La notion de "colonialisme" ici signifierait bien sûr qu'on n'inclut pas seulement ces conceptions dans les corps nationaux, mais aussi dans les corps individuels, pas seulement dans les coutumes, mais aussi dans les états psychologiques.

 

13.  Les deux œuvres les plus importantes de Paul Otlet, dans les années 30, Traité de documentation : le livre sur le livre ; théorie et pratique et Monde : essai d'universalisme ; connaissance du monde, sentiment du monde, action organisée et plan du monde peuvent être lus de cette manière. Tous les deux sont des travaux grandioses dont le thème sous-jacent est que la science et les techniques et technologies documentaires peuvent apporter la paix dans le monde. L'insistance d'Otlet sur ce thème parcourt toute son œuvre, mais devient de plus en plus accentuée à mesure que les années 30 s'écoulent et que l'alliance entre déterminisme technologique et nationalisme militaire se fait plus évidente au niveau de la rhétorique des Etats comme à celui de l'utilisation des technologies de la communication et de l'information par les systèmes sociaux et culturels à des fins de contrôle politique. Pour des conceptions philosophiques et culturelles différentes de "la science", de l'information et des technologies de la communication à cette période en Europe, voir, par exemple, Walter Benjamin ou "L'époque des "conceptions du monde" "de Martin Heidegger.

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14.  Je me réfère en particulier au rôle central que la           métaphore du canal joue dans la théorie de l'information et dans les textes fondateurs de la science de l'information et des bibliothèques. Le célèbre "Une théorie mathématique de la communication" de Claude Shannon et son commentaire par Warren Weaver "Contributions récentes à la théorie mathématique de la communication" fondent la théorie de l'information sur cette métaphore à partir de la culture linguistique et moderniste au sens large. Dans un autre article, je m'intéresserai à cette métaphore et à ses conséquences sociales dans leurs travaux et dans ceux de Norbert Wiener.

 

15.  Les plaintes du théoricien de la société Théodore Adorno lors de son expérience au Projet Radio de Princeton juste après la seconde guerre mondiale, comme on lui demandait de faire de la "recherche administrative" quantitative sur la musique populaire, sont symptomatiques de l'incompatibilité entre théorie critique et méthodes quantitatives en ce qui concerne l'analyse sociale des communications et de l'information, à une période historique qui venait de voir émerger les sciences sociales quantitatives en tant que force universitaire et politique. Voilà ce que dit Adorno des travaux qu'il avait à faire pour "analyser" la culture musicale populaire : "Un petit appareil permettant à l'auditeur d'indiquer ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas en appuyant sur un bouton pendant qu'on lui passe un morceau de musique me semblait tout à fait inadéquat à la complexité de ce qu'il y avait à déterminer" ("Scientific experiences of a European scholar in America"[Expériences scientifiques d'un intellectuel européen en Amérique]*, 344). La critique d'Adorno englobe aussi en partie l'inaptitude de la théorie quantitative à analyser les composants inconscients et idéologiques fondamentaux d'une situation qui fait agir sur des entités prédéfinies dans un contexte de relations possibles déterminé.

 

 

Bibliographie :

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